samedi 16 décembre 2017

Boulot et mariage pour Antoine clerc laïc

L’essieu de la roue de la carriole grince, d’autant que la route comporte des ornières. Heureusement que pour finir le trajet vers Barisis aux Bois, j’ai rencontré une âme charitable qui m’a hissée à son bord. Il s’agit d’un marchand chanvrier qui se rend aussi dans cette paroisse du Laonnois, accompagné d’un tisserand qui rentre chez lui.
 
- C’est pas raisonnable ma petite dame de cheminer toute seule, qu’en pense votre famille ? Il y a plein de forêts par ici, savez-vous que la paroisse est réputée pour la qualité des toiles de chanvre tissées par les tisserands ?
 


BM Lyon- Baron Balthazar Jean

- Je n’avais pas trop le choix : il me faut être à tout prix ce mardi 28 août 1736 à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul pour le mariage d’un parent … (difficile d’ajouter le mariage d’un de mes ancêtres afin de ne pas manquer mon rendez-vous ancestral mensuel).
 
- Oh oui, j’ai entendu dire qu’un nouveau clerc laïc allait s’installer après avoir rencontré le Syndic et reçu l’autorisation d’enseigner de M. le Curé. Il doit remplir les conditions et a sûrement obtenu un certificat de moralité comme il vient de loin.  Il va remplacer notre clerc laïc Jean LEPREUX qui a pris de l’âge et il épouse sa fille cadette… la pauvrette elle n’est plus toute jeune. 
 
- Oui, c’est Antoine MERCIER (Sosa 192) qui vient du village d’Ambleny. (Chut c’est un de mes ancêtres qui m’a donné beaucoup d’émotions… un de mes préférés.)
 
Fils de Jean MERCIER et Marie HIDRON, Antoine avec ses vingt et un printemps, est au tournant d’une nouvelle vie : du travail et une épouse dans un nouveau village.  Il s’apprête à unir sa destinée à Louise Renée LEPREUX 27 ans, fille de Jean LEPREUX et de Marie Jeanne LAHOBE.
 
Voilà en dépit des cahots et des grincements, on est arrivé devant la petite église paroissiale de Barisis aux Bois, le tisserand m’aide à descendre de la carriole, et je remercie vivement le marchand chanvrier pour son transport.
 
Je me faufile avec d’autres personnes pour pénétrer dans l’église où va officier Dom Bertin Ruë. Antoine MERCIER le marié, pas très grand, vêtu de neuf est accompagné de Marie HIDRON veuve de Jean MERCIER, très fière. Il est flanqué de son frère aîné Jean, plus grand, belle prestance, c’est un des témoins.
 
La mariée, maigrichonne et pâlotte, entourée de ses parents, paraît intimidée, peut-être en est-il de même pour le marié ? Louise Renée LEPREUX a comme témoin un oncle Charles LAHOBE,  et aussi un beau-frère Vincent VILLE (SOSA 196) : tiens donc voilà un autre ancêtre.
 
Deux autres témoins interviennent aussi, Louis Jacques WATIER, Syndic et Alexandre ROSSIGNOL Greffier et marguillier, de la paroisse bien sûr. Toutes les personnes citées signent, Antoine MERCIER accompagne sa signature de ruches, celle de son frère Jean révèle une habitude certaine de l’écriture et un caractère affirmé.


 
Papoti-papota des commères, mes voisines de banc, pendant les signatures du registre et en attendant la sortie des nouveaux mariés.
 
- Tiens l’année dernière c’était  Marie-Jeanne, la sœur aînée de la mariée qui épousait Vincent VILLE. Bah, elles sont pas costaudes ces deux là, j’entends.

Et oui, mes ancêtres Antoine MERCIER et Vincent VILLE seront beaux-frères quelques mois. Leurs épouses affaiblies chacune par une naissance décèderont rapidement. L’enfant d’Antoine échappera aux limbes, car baptisé in extremis par sa grand-mère Marie HIDRON. J’écarte cette pensée, en ce jour particulier.
 
- Ben dis moi, le nouveau clerc, il va lui falloir du courage susurre une paroissienne : on doit lui envoyer tous les enfants de moins de 14 ans, sinon on risque une amende. Il leur apprend le catéchisme et les prières. 
 
- Mon homme il trouve bien  que le maître apprenne à lire, à écrire, à compter et aussi quelqu 'chose qu’on dit grammaire… Du coup, on verse pas au maître la même somme : 3 à 6 sols par mois.
 
- Ouais, ça fait beaucoup, et pour les filles c’est pas trop utile moi je dis !
 
- Oh le nouveau clerc, il va sûrement habiter chez Jean LEPREUX, c’est commode et près de l’église. Il y a déjà la pièce pour la classe avec des bancs et des tréteaux, et aussi le poêle, pour le bois nos écoliers l’apportent…
 
C’est vrai qu’Antoine MERCIER devra  aussi sonner l’angélus, le matin, le midi et le soir. Il devra remplir toutes les fonctions relatives à son état, tant suivant la religion, que lire les placards, ordonnances et règlements : ces publications se faisant à la sortie de la messe. Il sera souvent être témoin lors de mariages ou inhumations.
 
Recevait-il chaque dimanche dans toute maison où il portait l’eau bénite suivant l’usage ancien : un sol ou un petit pain de cette valeur ? J’espère que chaque ménage lui versait bien 3 sols à la Saint-Jean-Baptiste, et que la paroisse lui versait une contribution.
 
- Dîtes vous, qui êtes une invitée du promis, y fait pas tout çà pareil vot’ clerc laïc ?
- Oh si, enfin presque… 
 
Je me dis que dans l’assemblée, il y a peut-être  Louis DAUBENTON garde-vente ou son épouse Marie GRANDIN, Marie-Catherine ROSSIGNOL et bien d’autres ancêtres. J'évite de trop dévisager les personnes de l'assemblée.
 
Mon temps s’est écoulé, Marie HIDRON et son fils Antoine MERCIER m’ont fait un petit signe : du genre à une autre fois.


Juste un petit rappel, pour le lecteur non-initié : si les dialogues et description des personnes sont pures fiction, celles-ci ont bien vécues dans les lieux cités et aux dates évoquées.


 
Pour retrouver Marie Hidron et son époux Jean Mercier :
Pour suivre Antoine Mercier :
 
Sources
Archives Aisne 02 Barisis BMS 1721-1750 vue 100
Gallica Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie :
Choix et nomination d’un maître d’école et clerc laïc dans un village au XVIIIe

4 commentaires:

  1. Allez réjouissons-nous de ce mariage et vivons ce beau jour sans penser aux événements qui vont survenir...

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  2. Bon, j'ignorais tout du métier de clerc laïc et je t'admire car personnellement, je n'oserais pas me hasarder dans le 18e siècle. Ce qui veut dire que tu as dû drôlement te documenter !
    Bravo, c'était très vivant et j'adore le "carriole-stop" ;=)

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  3. A la lecture de ton texte, on a l'impression d'entendre ce brouhaha incessant des commères. Même si on voudrait leur dire "chut", c'est toujours intéressant de les entendre car elles nous renseignent sur beaucoup de choses... !

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  4. bien amené, ce rendez vous trotte au pas de la rossinante picarde. Bravo

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