samedi 18 mars 2017

RDVAncestral - Au pied du donjon d'Ambleny


Faisant un bond en arrière de 262 ans, je suis dans le Soissonnais le 18 mars 1755 sous le règne de Louis XV. Partie de Soissons, mon regard a embrassé, à gauche et à droite du chemin, au milieu d’une riche et fraîche vallée, des villages au pied de coteaux ou sur les bords sinueux de l’Aisne.

En débouchant à l’entrée d’une gorge étroite non loin de la rivière Retz, je me rapproche de ma destination le village d’Ambleny. Je vois déjà son fier donjon octogonal qui domine à environ 30 mètres, encore pourvu de son parapet crénelé.


Juste au pied du donjon est accolée l’église construite entre les 13ème et 16ème siècles, dotée d’un clocher.  Je note le beau portail principal de style roman avec une archivolte fleuronnée qui couronne la voussure. Et surprise des masques à cheval sur des animaux fantastiques !

Comme j’ai un peu d’avance, je me glisse dans l’église par ce portail. Une vaste nef où tant de cérémonies concernaient mes aïeux. Observaient-ils pendant les sermons les colonnes cylindriques garnies de chapiteaux à corbeille sculptés avec des feuilles d’eau, de chêne ou de lierre. Je suis rêveuse.

 
Juste en sortant un homme me fait signe car il m’a identifiée. C’est Claude CHARPENTIER maître d’école à Ambleny. Dans ma lettre je lui ai indiqué des éléments de reconnaissance : une jupe ample de couleur taupe, un châle beige et un panier en osier. Il sait que j’ai des nouvelles pour ma grand-mère.

Le neveu de ma lointaine grand-mère Marie HIDRON me conduit à son propre domicile où je dois la rencontrer, car en raison de son grand âge elle est hébergée chez lui.

Marie HIDRON, fille d’Hubert HIDRON et de Barbe BOILEAU a été baptisée le 14 mars 1677 dans la paroisse d’Ambleny. Elle vient d’avoir 78 ans.

Je suis inquiète, vais-je être à la hauteur ? Vais-je trouver les mots ? Entre rencontrer virtuellement au détour de pages de registres, et rencontrer réellement, il y a une énorme différence. Qui plus est en remontant le temps !

Je pénètre dans la maison et je ne vois que ma grand-mère Marie, toute menue dans son fauteuil près de la cheminée où crépite une flambée. Elle penche un peu la tête, sourit, esquisse un mouvement d’une main. « Enfin tu es là » me dit-elle !

Je me suis accroupie pour être à son niveau, puis on me glisse un tabouret pour m’asseoir. Marie prend mes mains dans les siennes.
 
Vous savez grand-mère, je suis entrée dans l’église où vous avez épousé le 18 janvier 1695 Jean MERCIER, fils d’un autre Jean et de Suzanne GRAU.  Elle n’avait même pas 18 ans, elle avait perdu son père à 5 ans, et sa mère à 15 ans.

« Il est loin mon mariage » chuchote-t-elle.  Je sais que Marie était fière de pénétrer dans l'église au bras de son parrain François MOLIN. Maître Claude LARDON notaire d’Ambleny était au premier rang, premier témoin.

Il y avait aussi au premier rang Monsieur Antoine COTTIN greffier de justice, son beau-père et second témoin, car il fût l’époux de Barbe BOILEAU, ainsi que les parents du promis bien sûr. 


 
Si Jean MERCIER fait seulement sa marque sur le registre paroissial, Marie HIDRON appose sa signature en 1695, tout comme son parrain. Les deux principaux témoins signent évidemment, mais pas les parents du marié. Marie savait-elle lire ? Ou a-t-elle seulement appris à signer, du fait que son beau-père fût greffier ?

Les joies et les peines avec les naissances de Charles, Marie, Jean, Elisabeth qui furent autant de fils de vies  fragiles. Le dur labeur de son époux Jean MERCIER manouvrier. Les saisons qui défilent, des mariages dans la famille.

La fierté d’une mère de voir grandir les cadets  un autre Jean et Antoine. Intelligents, ils ont bénéficié d’une instruction. Un regard me précise qu’Antoine le benjamin est son préféré.

Antoine porte le prénom de son parrain Antoine COTTIN greffier. Pour devenir clerc laïc, il a quitté son village et s’est installé dans le Laonnois.

Le fils préféré de Marie lui a donné deux petits-enfants : des garçons prénommés Simon et Antoine âgés de 16 et 10 ans en 1755. La fierté d’une grand-mère pour ces derniers qu’elle a vraisemblablement eu la possibilité de rencontrer.

« Comment va Simon ? » Très bien grand-mère : il grand et fort ce gaillard, il est bûcheron dans la forêt de Saint-Gobain. Il va venir bientôt, vous donne le bonjour ainsi que tous ses proches.

« Et toi tu es la petite-fille de Simon ? » Non je suis une petite-fille (enfin un peu plus)  de votre petit-fils Antoine et Maman portait  le patronyme de votre époux Jean MERCIER.

Ma grand-mère est fatiguée, mais elle a eu des nouvelles de Simon ce qui lui importait, je le savais. Elle s’assoupit.

Je laisse pour ma grand-mère et mes hôtes une douceur de ma région, une sorte de brioche. Je m’esquive de la pièce. Claude le neveu est sur le seuil de la maison. Moins tendu, il me dît être soucieux sur la santé de Marie. Je lui exprime ma gratitude d’avoir compris ma démarche et toléré ma visite.

Ce n’était pas décent de la questionner sur les noms de ses propres grands-parents, sur son fils Jean dont je ne connais que 3 belles signatures.

Marie HIDRON affaiblie aura peut-être revu Simon son petit-fils avant de s’éteindre le 18 avril 1755. Dans l’acte d’inhumation est mentionné le beau-père de Simon à savoir Charles DUPONT scieur de long à Barisis aux Bois, tout comme Claude et Modeste CHARPENTIER beau-neveux. Marie était veuve de Jean MERCIER et aussi d’Antoine TORDEUX. 

Voilà ce n’est pas si compliqué, je suis soulagée tout en ayant un pincement au cœur. L’air est doux dans ce village aux multiples hameaux. Nostalgie … mais le printemps s’annonce.


Sources
Archives départementales Aisne –Ambleny- BMS- 1598-1692 vue 132,
1693-1710 vue 28, 1751-1770 vue 72
Gallica Tour d'Ambleny - Dessin 18ème Tavernier de Jonquières
Gallica Notice historique et descriptive sur Amblegny par l’Abbé POQUET 1856
Gallica Recueil Patrimoine architectural du département de l'Aisne 1870-1913 Photographies

2 commentaires:

  1. Voilà un Rendez-vous Ancestral fort réussi. La petite fille qui craignait de ne pas être à la hauteur a su réconforter son aïeule en s'accroupissant auprès d'elle. Ce n'est pas si facile de parler avec les ancêtres lorsqu'on connait leurs peines.

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    1. En fait, c'est avec Marie que j'ai eu envie de commencer à évoquer le petit monde que je découvrais.

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